Blogue

Nomadisme numérique, mythes VS réalité : L'expérience de Snipcart

Au départ, les gars de Snipcart, la startup de e-commerce de Spektrum, ne s’étaient pas laissé happer par la séduisante tendance du nomadisme numérique et ses promesses de liberté. Pourtant, quand je les ai rencontrés, ils étaient à la croisée des chemins. François, stratège de contenu, revenait de trois mois au Vietnam et en Thaïlande, Maxime, développeur, était à Bangkok après quelques mois en Asie (où il était allé rejoindre Franck au départ) et Charles, président et développeur, préparait son départ pour vivre deux ans à Winnipeg (ben oui, Winnipeg!).

À force de lire les blogues d’entreprises remote comme Groove ou Buffer, l’équipe de Snipcart a eu envie d’expérimenter le travail à distance en mode hybride, c’est-à-dire en conservant ses bureaux et la majorité de ses employés à Québec. Dans le monde des technos, on idéalise un peu ce mode de vie et j’ai voulu savoir ce qui en était de la réalité, du moins celle de mes collègues qui ont partagé avec moi leurs conseils aux aspirants nomades numériques.

Le nomadisme numérique est devenu une business

Autour de toute tendance se développe une industrie et le nomadisme numérique n’y échappe pas. Nombreux sont ceux qui ont lu le livre “The 4-Hour Work Week” de Tim Ferris et qui aspirent à appliquer le modèle. Dans les coworkings à travers le monde, il n’est pas rare de croiser des coachs de vie qui veulent partager leur recette de succès avec des clients souhaitant devenir digital nomads. C’est ce qui agace le plus François et Maxime de cette culture. « Le but de ces freelancers, c’est de vendre cette idéologie-là. Ils commercialisent des ebooks, des programmes d'entraînement, des séminaires, ils font de la pub sur leur blogue. Ils ont réussi à faire de l’argent par eux-mêmes et ils ont raison d’en être fiers, mais l’ego prend parfois un peu trop de place. En plus, certains ont à peine fait de l’argent avec des revenus passifs dans le passé et génèrent l’essentiel de leurs revenus en vendant des conseils à ce sujet. C’est un peu contradictoire et ça exploite les aspirations de personnes qui finissent avec des dettes et des rêves brisés. Il y a un petit côté “requin” qui fait perdre de sa profondeur au mouvement » affirment-ils.

Aimer son travail avant tout

Pour Maxime, François et Charles, être nomade numérique n’est pas une fin en soi. Évidemment, ils apprécient cette latitude et en plus, elle facilite le recrutement. « Il y a une grosse corrélation entre le type de candidat qu’on cherche et le désir d’adopter ce style de vie là », affirme François. Cependant, ce qui compte le plus pour l’équipe, c’est les liens forts qu’ils ont créés entre eux et le fait que le coeur de leurs activités porte sur le développement d’un produit qui les fait triper. Si le travail à distance n’était pas une option, ça ne changerait rien à leur ambition de propulser leur startup.

Le conseil numéro 1 avant de se lancer

Vous songez à vous lancer en tant que nomade numérique? Gare à vos attentes! Pour François, ç’a été le constat principal : « c’est facile de se laisser séduire par des titres d'articles comme “Découvrir le monde en travaillant à distance”. Il y a la découverte et la nouveauté, oui, mais on oublie qu’au quotidien, le travail prend beaucoup de place. Quand je suis parti en Thaïlande, je m’imaginais vivre une expérience similaire à mes voyages à l’étranger, en vacances, quand j’étais plus jeune » admets François.

Il faut être prêt à faire des sacrifices, bien gérer ses moments de productivité et planifier des séjours assez longs pour voir ce qui nous intéresse. « Découvrir une nouvelle culture ou un nouveau pays en travaillant 40 heures ou plus, ça ne se fait pas en deux semaines. Les besoins du day-to-day ne disparaissent pas, comme se reposer, avoir des liens sociaux, faire son lavage et ses commissions. Tu n’es pas le touriste qui découvre tout, mais le citoyen qui travaille, comme quand tu es à la maison », ajoute-t-il.

Les défis du quotidien

Quel type de personnalité avez-vous? Êtes-vous prêts à composer avec la solitude? Les gars le soulignent : être digital nomad, ce n’est pas pour tout le monde. Bien que l’on rencontre des gens facilement, créer des connexions profondes prend du temps. Le travail d’équipe asynchrone, quand le décalage horaire est important, peut également contribuer à l’isolement. Savoir faire preuve de flexibilité et se rendre disponible, parfois à des heures tardives pour communiquer en direct avec ses collègues, est la clé. D’ailleurs, choisir une destination sans un trop grand décalage horaire peut faciliter l’adaptation lors d’une première expérience.

Voici les indispensables de Snipcart pour assurer une bonne communication au sein de son équipe :

  • Slack, pour les suivis quotidiens
  • Appear.in, pour les vidéoconférences, avec une réunion d’équipe hebdomadaire
  • Intercom, pour le service à la clientèle
  • Trello, pour la gestion de projets
  • Pivotal, pour le développement web

Choisir la bonne destination

Dépendant de l’expérience que vous avez envie de vivre, le choix de la destination fait toute la différence. Elles ne sont pas toutes idéales pour travailler. Maxime disait que bien qu’il ait aimé son séjour en Asie, il voyait sa prochaine aventure en Europe, où les activités se font davantage dans les villes. Il n’aurait donc pas besoin de planifier ses fins de semaine. En Asie, la nature est magnifique, mais il faut prendre des jours de congé pour faire des sorties comme grimper un volcan ou visiter un sanctuaire de singe (expériences mémorables, tout de même!).

À Bangkok, en auberge de jeunesse, les gens n’étaient pas dans le même état d’esprit que le développeur. Ils sortaient tous les soirs et étaient davantage en mode vacances. Par contre, il a beaucoup aimé l’ambiance de Bali, aller au café en scooter et faire du surf. Il y a trouvé la formule idéale en vivant un mois dans une villa à Canggu. Au milieu des champs de riz, près de la plage, en compagnie d’autres nomades numériques, le rythme était propice au travail, aux rencontres et à la détente.

Ayant vécu plusieurs expériences alliant voyage et travail, François se rappelle sa visite à des amis aux Philippines. Il n’y avait pas de cafés, ni de coworkings ou d’installations ergonomiques pour travailler, en plus d’une connexion internet déficiente. « Je me souviens d’avoir fait le choix de ne pas être payé une semaine, parce que je n’avais pas été productif. C’est hyper important de choisir le bon environnement, où la culture du travail est présente » spécifie le stratège.

Après avoir fait des recherches, il a retenté l’expérience à Chiang Mai, qui est plus industrialisée et bien évaluée sur le web. Par contre, il a réalisé que le lieu était un peu victime de sa popularité, devenant au fil des ans un véritable repère de digital nomads en devenir dont certains lui donnaient l’impression de passer plus de temps à documenter leur mode de vie sur Instagram qu’à travailler! Pour un prochain voyage, il aimerait se diriger vers l’Europe de l’Est pour le coût de la vie qui est relativement bas, la culture intéressante (sans qu’elle semble trop dépaysante), le décalage horaire pas trop grand et la proximité avec plusieurs pays plutôt avantageuse.

Des sites comme Nomadlist permettent de mieux planifier ses déplacements. François a apprécié l’option payante donnant accès à leur Slack, pour recevoir des conseils de voyageurs de partout dans le monde et prévoir des rencontres.

Des expériences sans pareilles

Malgré les surprises et l’adaptation nécessaire, le nomadisme numérique permet de vivre des expériences d’une grande richesse et de voir beaucoup plus de pays qu’au rythme des vacances. Les retraites d’équipe sont probablement les meilleurs moments que la gang de Snipcart a vécu. Ils projettent d’en organiser d’autres dans le futur. Les gars se rappelleront toujours la fois où ils ont fêté le Nouvel An à Hanoï ou les événements de startups auxquels ils ont assisté, comme à Dublin et New York. Pour le team building, il n’y a pas mieux!

Quand j’ai parlé à Maxime, il était en plein festival de l’eau à Bangkok, le Songkran. Impossible de sortir dehors avec son téléphone à la main ou de travailler sur une terrasse : les éclaboussures étaient garanties. Sur le point de terminer son périple en Asie, il se préparait à prendre des vacances au Japon avant de revenir au Québec.

Pour François, le moment où sa mère était allée le rejoindre pour faire le tour de l’Irlande, visiter sa soeur dans l’Ouest canadien et faire la rencontre de personnes inspirantes resteront de bons souvenirs.

Quant à Charles, il s’apprête à vivre une toute autre aventure, en suivant sa copine qui réalisera un fellowship en médecine à Winnipeg pendant deux ans. Il appréhende un peu la solitude en étant loin de l’équipe, mais il prévoit revenir de temps en temps à Québec. La scène du nomadisme numérique ne semble pas être très développée au Manitoba et les coworkings sont rares (voire inexistants?), mais il garde espoir depuis qu’il a trouvé une discussion sur Reddit à ce sujet! L’un des principaux avantages d’avoir la possibilité de travailler à distance pour Charles, c’est qu’il pourra continuer son cheminement en tant qu’entrepreneur, sans avoir à quitter Snipcart. On a hâte de suivre ses péripéties!

Avez-vous déjà expérimenté la vie de nomade numérique? Racontez-nous votre histoire! Ou encore mieux, participez à la première rencontre SPK sur le sujet en réservant votre place pour la soirée du 25 mai.