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Milléniaux : attrapez-les tous!

Ça y est, je m’en mêle. Même si moi aussi, je suis écoeuré d’entendre parler de la saga des milléniaux. En toute transparence, je suis propriétaire d’une entreprise qui embauche majoritairement des employés issus de la génération Y. Techniquement, je n’en fais pas partie (je suis sur la ligne), mais je trouve qu’ils ont tout compris. Non, il n’y a pas de guide pour une collaboration saine avec les milléniaux en milieu de travail (si vous en trouvez, méfiez-vous). Mais si vous êtes un gestionnaire qui s’arrache les cheveux d’incompréhension, j’espère que ce billet saura vous apporter des réponses sur cette tranche de la population trop souvent critiquée à tort. Et si vous êtes un millénial, restez des nôtres, la catharsis commence. D’abord, attaquons-nous à quelques mythes persistants.

 

« Les milléniaux ne sont pas prêts à travailler fort. Ils veulent tout cuit dans le bec et ne sont pas fidèles à leur employeur. »

Ah, la fameuse expression « faire son shift ». Vous trouvez les milléniaux capricieux? Je me souviens d’un nouvel employé référé par l’un de ses profs. Son prof m’avait expliqué qu’il avait du talent et beaucoup de potentiel, mais qu’il manquait de motivation. Aujourd’hui, ce gars-là est vraiment bon dans son travail. Il est non seulement motivé, mais motivant. Il nous a même récemment exprimé sa volonté de sacrifier une partie de son salaire pour obtenir des parts dans l’entreprise, tellement il croit à ce qu’il fait. Typiquement millénial, selon vous?

Le problème, ce n’est pas un désintérêt, mais un manque de défis. À l’école, si un étudiant s’emmerde parce que son prof ne le pousse pas assez, à qui est-ce la faute? Au boulot, si un employé s’ennuie parce qu’on ne lui donne pas assez de latitude et qu’on le « micro-gère », qui est le responsable? Non, les milléniaux n’attendront pas leur tour. Les meilleures conditions de travail ne devraient-elles pas être données à ceux qui défoncent des portes et cherchent toujours à aller plus loin, au lieu de ceux qui laissent sagement passer le temps en comptant sur leur ancienneté?

Et puis, si les milléniaux sont vraiment paresseux, comment explique-t-on le boom entrepreneurial au sein de cette génération? L’entrepreneuriat n’est définitivement pas la voie facile.

« Les milléniaux sont accros à la techno et ne savent plus communiquer dans le réel. »

 En 1968, quand les étudiants se rebellaient en clamant des valeurs de liberté et d’égalité, internet n’existait pas. La différence avec les Y, c’est qu’ils ont une plate-forme pour faire rayonner leurs idéaux. Ils sont un peu les hippies d’aujourd’hui. Quand on va au-delà des stéréotypes, on voit que les valeurs qu’ils défendent se ressemblent, notamment avec l’idée de contribuer à un monde meilleur.

Je l’admets, pour une portion de la société (et pas seulement les milléniaux), la dépendance à la technologie est maladive. Avez-vous déjà vu les baby-boomers sur Facebook? Ils sont aussi accros, mais ils seront sur leur iPad devant la télé le soir, alors qu’on verra davantage les Y sur leur téléphone au restaurant. Je pense que la dépendance technologique est un problème sociétal à adresser, mais aussi que les milléniaux représentent probablement la génération qui dompte le mieux la technologie en ce moment.

« Les milléniaux sont des slackers qui habitent chez leurs parents et ne savent pas ce qu’ils veulent dans la vie. »

Ce n’est pas parce que tu as une job stable depuis 20 ans que tu sais ce que tu veux dans la vie. La différence, c’est qu’il y en a qui l’assument, alors que d’autres non. C’est normal de ne pas le savoir. Les options de vie ne sont plus aussi limitées qu’avant, où la voie à suivre était simple. Aujourd’hui, on peut repenser sa carrière de mille et une façons possibles. Par exemple, en ne faisant pas de hautes études, en bâtissant une communauté en ligne autour d’un blogue et en voyageant. Ou bien en vendant des blocs LEGO de collection à travers le monde grâce au Web! Ce sont des parcours inhabituels, certes, mais beaucoup moins qu’il y a quelques années.

Pour ce qui est d’habiter chez ses parents, vous savez quoi? C’est une bonne chose de remettre au centre de nos vies la famille, qui assure un support sans compter. Dans un monde de plus en plus individualiste, s’il faut être fauché pour adopter plus longtemps le foyer familial, c’est un mal pour un bien, selon moi!

 Les milléniaux - ceux que je connais, pas ceux qui sont décrits par des chroniqueurs nostalgiques d’une vieille époque - une fois qu’ils sont allumés par quelque chose qui les excite vraiment, sont 20 fois plus motivés que n’importe quelle génération. Vous savez pourquoi? Parce que pour une fois, ce n’est pas l’égo ni l’accumulation d’argent qui les motive, mais l’accumulation d’expérience et la promotion de leurs valeurs avant tout. Ils sont prêts à manger des ramens et à vivre dans un petit appartement toute leur vie si c’est pour bâtir un style de vie selon leurs propres termes. Des exemples, il en pleut. Connaissez-vous le mouvement minimaliste?  

« Alors, qu’est-ce qu’on fait avec les milléniaux? »

Maintenant, parlons solutions. Vous l’avez compris, les milléniaux le feront savoir quand ils ne seront pas motivés. En tant que société, nous avons deux choix.

Option 1 : Tenter de les faire entrer dans les rangs et attirer leur attention sur des détails superficiels. C’est malheureusement ce que font trop d’entreprises. Il y a même des disciplines créées pour ça : le marketing RH. Un toboggan ou une piscine à balles au bureau ne remplaceront pas le vide d’un emploi qui n’a pas de sens. Un milieu de travail ludique peut compenser durant un certain temps, mais pas à long terme. Les employés décrocheront quand même.

Option 2 : Développer son entreprise sur la base de valeurs fortes. Et s’il en découle d’un fût de bière au bureau, soit! La différence, c’est que les petits plus seront liés aux valeurs et non l’inverse.

Chez Spektrum, par exemple, nous incitons les employés qui désirent se lancer en affaires à quitter leur emploi pour le faire. Ç’a peut-être l’air contre-intuitif, mais la réalité, c’est qu’on ne pourra pas retenir longtemps ces aspirants entrepreneurs. Aussi bien les aider à s’épanouir en faisant partie de l’aventure! Bref, demandez-vous en quoi vous croyez. Demandez-le aussi à vos employés et trouvez des points de rencontre pour bâtir ensemble : vous verrez leur motivation décuplée!

Placer le style de vie à l’avant-plan

Avant, il était normal de se déplacer pour un emploi. C’était le travail en premier, en attendant la retraite. Aujourd’hui, les gens décident où ils veulent aller et comment ils veulent vivre. Ensuite, ils choisissent un boulot qui collent à leur style de vie. C’est la raison pour laquelle on voit des milléniaux négocier des jobs à temps partiel et des vacances plutôt que de grandes responsabilités et de gros salaires. C’est simplement une question de priorités et c’est tout aussi justifiable.

Sachant tout ça, que ce soit à l’école ou au boulot, nous nous devons d’assumer haut et fort nos valeurs et un style de vie dans lequel les milléniaux se reconnaitront et qui leur donnera le goût d’être loyaux. Par exemple, la culture chez Spektrum encourage le travail à distance, les horaires flexibles et les initiatives d’employés pour ajouter à l’ambiance au bureau, que ce soit avec notre slackline, notre table de babyfoot ou les fréquents 5 à 7. Nous n’avons pas créé de toutes pièces un lieu pour retenir nos employés : c’est eux qui l’ont bonifié afin qu’il leur ressemble. Dans certains cas, ils se sont même regroupés pour acheter des équipements, comme notre bench (accessoirement, ça fait aussi la joie de notre gestionnaire de communauté qui affirme que les photos sont excellentes pour l’engagement sur les médias sociaux).

Revenons sur le travail à distance, qui n’est pas encore généralisé dans tous les milieux de travail. À mon avis, si vous sentez que vous avez besoin de voir vos employés assis à leur place pour savoir qu’ils travaillent, il y a clairement un problème. Il s'agit soit de difficultés à l’embauche, pour attirer les bons candidats, ou tout simplement d'un manque de confiance. Ce n’est pas un problème de génération!

Des pommes pourries, il y en a partout. Il faut simplement faire attention aux clichés. Et s’il y a une idée que l’on peut généraliser, c’est que la médiocrité persiste d’une génération à l’autre, malheureusement. Il ne faut pas pour autant en étiqueter une en entier.

En terminant, si j’avais à m’exprimer en moins de 140 caractères, voici ce que je dirais aux deux parties.

Au millénial : ne te fais pas trop chier avec la critique, tu as le gros bout du bâton. C’est à toi de définir le monde dans lequel tu veux vivre.

À l’employeur : Ton millénial est démotivé? Parle-lui pour comprendre ses aspirations et chercher à les concilier avec tes intérêts.

Merci à Elias Djemil pour les photos.