WAQ 2018 : un mois après

La 8e édition du Web à Québec (WAQ) a déjà eu lieu il y a un mois. La logique d’instantanéité du numérique m’aurait autrefois poussé à laisser tomber la rédaction de ce billet. Pourtant, cette année, j’arrivais au WAQ avec une vision différente. Je voulais vivre pleinement ce moment d’inspiration, sans diviser constamment mon attention à cause des réseaux sociaux. J’imagine que c’est un ancien réflexe de gestionnaire de communauté qui voulait partager en continu ses expériences et être partout en même temps (la première aussi!). Plusieurs semblent s’être reconnus dans cette nouvelle posture qui découle de ma réflexion sur le marketing conscient. (Ben oui, je l’ai tweetée. On ne peut quand même pas sortir totalement le numérique de la fille!)

On l’a bien vu avec nos ateliers de philo et numérique : il y a une réelle valeur dans la réflexion et le recul. Ils nous permettent de faire des liens, d’intégrer certains concepts et d’évaluer les idées qui restent au travers de la surcharge d’information quotidienne. Voici donc 5 idées qui ont retenu mon attention au WAQ 2018, un mois après l’événement.
Détruire le cancer, un virus à la fois
L’équipe du WAQ a choisi des conférenciers internationaux qui ont su nous transmettre leur passion et nous faire rêver à un monde meilleur grâce aux technologies. Ce qui ne fait pas de tort ces jours-ci, avouons-le. Andrew Hessel, CEO de Humane Genomics, nous a expliqué comment son équipe peut développer des traitements personnalisés contre le cancer. Le scientifique, qui a appelé son fils Darwin (!), nous a parlé de la beauté des virus avec poésie. Grâce à l’intelligence artificielle, il est possible d’analyser un cancer, de générer son code génétique et de créer un virus sur mesure pour s’y attaquer. Une approche beaucoup moins barbare que les traitements utilisés en ce moment. En commençant avec les chiens, Humane Genomics souhaite que son approche personnalisée s’adapte aux humains. Comme le dit M. Hessel, il n’y a pas de traitement “one size fits all” contre le cancer.

Cette passionnante conférence m’a amené à réfléchir à l’enjeu de la confidentialité des données, à une ère où notre code génétique peut se balader sur les réseaux. Tout de même dangereux… mais quand j’ai entendu M. Hessel dire dans une conférence CreativeMornings que le cancer, lui, était vraiment dangereux, ça m’a amené à changer de perspective.
Créer des relations authentiques entre les humains et les robots
Il y a quelques années, quand on parlait de relations humain/machine, c’était souvent dans les films de science-fiction. Aujourd’hui, on cherche réellement la clé des relations authentiques entre les deux. Le designer Adam Cutler a été chargé du dossier chez IBM. Il a défini les trois clés de l’intelligence artificielle pour s’attaquer à la question. Selon lui, l’IA :
- Augmente l’intelligence humaine;
- Maximise la confiance des humains grâce à sa transparence;
- Possède les compétences et les connaissances pour entrer en relation avec les humains.
C’est principalement ce dernier point qui occupe M. Cutler. À la base, il faut se demander ce qu’est une relation. Habituellement, on ne se pose pas la question : elle se construit naturellement. Avec un robot, ce n’est pas pareil! Pour créer une relation, nous passons par 5 différentes phases basées sur le sens, la valeur et la confiance, qui grandit au fil du temps. La dernière étape pour solidifier la relation, c’est la création de liens affectifs (bonding), qui vient encore avec un gros point d’interrogation pour le conférencier.

Dans le futur, croyez-vous que nous arriverons à fraterniser avec les machines? Après tout, qui n’a jamais donné de nom à sa voiture? Nous avons cette propension à humaniser les objets de notre quotidien… alors pourquoi ne le ferions-nous pas avec les robots?
Le contenu organique a toujours la cote
S’il y a bien une approche que les robots ne sont pas près d’adopter, c’est l’organique. Ici, l’humain trouve encore totalement sa place. À l’aide d’études de cas, plusieurs conférenciers du Québec nous ont montré qu’avec de la réflexion, juste assez d’audace et une finesse dans l’exécution, il était possible de réaliser de grandes choses en mode organique. Par exemple :
- Le ton de la SAAQ : Béatrice Farand, à la tête de l’équipe médias sociaux de la société d’État, a expliqué comment l’organisation incarnait sa mission et sa personnalité de marque jusque dans sa gestion de communauté. Son équipe, en connaissant bien leurs abonnés, en ayant de l’expérience au sein de l’organisation en relations publiques et en respectant le principe d’agilité des médias sociaux (grâce au soutien de la direction et de leurs collègues de différents départements), s’est démarquée et a su passer ses messages liés à la sécurité routière auprès de milliers d’abonnés. Leurs résultats prouvent que prendre des risques réfléchis et basés sur l’expérience, c’est payant.
- Hydro-Québec sur le terrain : Jonathan Côté et Nicolas Chikhani d'Hydro-Québec ont montré qu’avec une approche essai-erreur, une bonne dose de débrouillardise et le goût de passer à l’action, le travail de gestionnaire de communauté pouvait être beaucoup plus fructueux sur le terrain que devant un écran. Jonathan nous a partagé son expérience sur la route avec les monteurs d’Hydro-Québec lors d’une mission en Géorgie après le passage de l’ouragan Irma. Lors de cette initiative, Hydro-Québec a gagné 10 000 nouveaux abonnés (et l'admiration de nombreux gestionnaires de communautés du Québec, comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous!). Pour en savoir plus, visionnez cette capsule. En ce moment, l’organisation déploie une initiative de contenu de marque fort intéressante avec l’expédition ÉlectrON. Il est possible de suivre l’aventure de Caroline Côté, ultramarathonienne qui suit en solo le chemin de l’électricité de Natashquan à Montréal.

- L’incroyable pouvoir des nano-influenceurs : Édith Jolicoeur a partagé sa théorie sur les nano-influenceurs, ces gens « ordinaires », « actifs sur les médias sociaux, qui ont l'attitude d'ambassadeurs, qui agissent gratuitement et de bon coeur et sont conscients de leurs actions ». Ils peuvent faire toute la différence dans le rayonnement de différents messages sur les médias sociaux. Cependant, il faut savoir les impliquer judicieusement dans notre stratégie. Lors de sa conférence, Édith a expliqué comment elle a réussi à contourner l’algorithme de Facebook alors qu’elle était captive à bord d’un navire de croisière sur le fleuve Saint-Laurent avec 350 personnes. Pour avoir un aperçu de sa théorie, Édith a donné une conférence TEDxQuébec sur le sujet.
Pour terminer avec ce volet sur le contenu organique, j’ai particulièrement apprécié la présentation de l’excellent vulgarisateur qu’est Rand Fishkin (ex-Moz) qui nous a rappelé les principes-clés du référencement naturel en 2018. Saviez-vous que pour chaque clic payant sur Google, il y a 20 clics dans les résultats de recherche organiques? Il faut adapter ses budgets et ses efforts de référencement en conséquence. Il a aussi insisté sur le fait que toute entreprise qui oeuvre sur Internet devrait avoir une stratégie de recherche par la voix, puisque c’est l’une des façons dont les utilisateurs consommeront dans le futur.
J’ai également été étonnée d’apprendre que la moitié des recherches sur Google n’engendrent aucun clic. L’organisation est prête à perdre des revenus à court terme (en affichant des pages sans publicité), puisque le fait de fournir rapidement des réponses à toutes les questions des utilisateurs encourage la création de comportements addictifs. Bref, l’utilisateur devient accro à la réception de réponses rapides à ses moindres demandes. Voilà un bel exemple de technologie persuasive…
Les valeurs pour guider l’expérience utilisateur
On parle souvent de valeurs sur ce blogue, parce qu’on croit que c’est le fondement de toutes nos actions et ce qui devrait guider les entreprises. “The values are the experience”, la conférence de Kim Goodwin, chercheure et designer, abordait ce thème. D’entrée de jeu, elle a expliqué que le web était la plus grande expérimentation basée sur la relation entre les humains et les objets, mais aussi celle où il y avait le moins de consentement. Avouons qu’en matière de réglementations, nous naviguons souvent dans des zones grises… C’est donc les valeurs d’une entreprise qui guident ses choix en matière d’expérience utilisateur, qui va bien au-delà de l’interface.
Bien que l’exercice de définir ses valeurs facilite la prise de décisions, ce ne sont pas toutes les entreprises qui prennent le temps de faire cette réflexion. Voici quelques questions à se poser lorsque l’on imagine une expérience utilisateur :
- Comment est-ce que l’utilisateur va en bénéficier?
- Quel dommage pourrait-il y avoir?
- Ce dommage est-il proportionnel aux bénéfices?
- Comment allons-nous permettre le consentement des utilisateurs?
La conférencière a également parlé du cycle continuel du changement, qui est impossible à mettre en place sans s’entourer d’alliés complémentaires. Si vous souhaitez ajouter de la profondeur à votre organisation en remettant en question certains principes, mais que vous ne savez pas comment y parvenir, analysez les gens autour de vous. Pour implanter le changement, nous avons besoin :
- D’évangélistes : ils savent rallier les gens et vendre leurs idées;
- D’autocrates : ils dictent les pratiques à suivre;
- D’éducateurs : ils aident à la compréhension du système;
- D’architectes : ils établissent les systèmes et les comportements associés.
Je me rappelle une Rencontre SPK sur la culture d’entreprise où les participants débattaient de l’application de nos valeurs dans notre société capitaliste. Comme Mme Goodwin l’a si bien dit : « si tu ne l’appliques pas quand c’est incommodant, ce n’est pas une valeur. »
Comment se portent vos compétences numériques?
Assister à un événement à haute concentration de férus du numérique, c’est aussi se rappeler que nous évoluons dans une bulle de privilégiés qui savent mieux lire les codes de cet univers que la majorité de la population. Alberto Cairo, fervent promoteur de la communication efficace à l’aide de la data visualisation, nous expliquait qu'aujourd'hui, savoir lire ne suffit plus. En montrant des exemples visuels erronés de la campagne présidentielle de Trump (des “trumperies”), il nous a parlé des nouvelles compétences à acquérir pour conserver un esprit critique dans notre monde de plus en plus numérique, comme la numératie (numeracy) et la “graphicacy”, soit la capacité d’analyse visuelle de l’information. Croyez-vous que nous verrons apparaître de nouveaux cours dans les écoles à ce sujet un jour?

Ah et puis, vous demandez peut-être si j'ai réussi mon défi de participer au WAQ en mode plus déconnecté. Je pense que oui. Je me suis limitée à en moyenne un tweet par conférence résumant une idée qui m’avait marquée. L’exercice m’a rappelé que la force de ces événements-là, c’est aussi les rencontres et les discussions de couloir qui sont autant stimulantes que la programmation officielle!