Ateliers de philo : 5 questions à Joëlle Tremblay

À la suite de notre troisième Rencontre SPK en juillet dernier, je publiais le billet récapitulatif « Et si on injectait plus de philo au monde des technos? » L’idée a fait son chemin et nous avons invité Joëlle Tremblay, philosophe, à animer une série d’ateliers chez nous cet automne. Si son nom vous dit quelque chose, c’est qu’elle multiplie les projets, que ce soit en collaborant avec différents médias, dont la radio de Radio-Canada (C’est fou), en agissant à titre de philosophe en résidence en entreprise et en lançant dernièrement son essai « L’inéducation »… tout ça en enseignant à temps plein au cégep! Ce qui fait triper Joëlle, c’est d’amener la philo dans la rue. Vous vous demandez de quoi ça peut avoir l’air, un atelier avec elle? Elle a accepté de répondre à mes questions.

De quoi on va parler durant tes ateliers?
Les ateliers porteront sur la culture dans le numérique. Dans le premier, « Mémoire et rythme numériques », nous questionnerons notre rapport à la mémoire et le lien à raffiner entre notre intelligence et le numérique. Le deuxième, « Candeur du web et algorithmes », portera sur le paradoxe au coeur du numérique, avec sa promesse d’information et son accès limité par les algorithmes. Nous parlerons également de neutralité du web, grand idéal des inventeurs du WWW dont nous sommes bien loin. Le troisième nous amènera à parler d’enjeux éthiques du numérique sur fond de communauté. Ils peuvent être suivis indépendamment.
Qu’est-ce que les participants vont en retirer?
Des ateliers de philosophie, c’est du temps que nous nous donnons pour réfléchir à ce qui nous semble évident : ici, le web et sa culture. Ainsi, nous pourrons mieux le créer, innover avec une conscience un peu plus fine des enjeux qu’il amène. En tant qu’utilisateurs, travailleurs et artisans du numérique, si nous ne prenons pas en compte sa dimension éthique et culturelle, c’est notre programmation, notre idéation, notre communication, nos rapports avec nos clients, nos proches et les communautés dans lesquelles nous évoluons qui en souffriront. En d’autres mots, c’est nous retrouver sur un navire dont le capitaine n’est plus à bord.

Est-ce qu’on risque de saigner du nez à force de trop penser? À quel genre d’ambiance on peut s’attendre?
Ce seront des ateliers d’une grande convivialité. La discussion doit mener à la prise d’actions ou à un changement de regard par rapport au thème. Forcément, à mesure que nous allons avancer dans les enjeux et les problèmes, la puissance du groupe se mesura à la mise en commun de notre pensée. Ça ne demande pas nécessairement de prendre parole, mais ça ne vous laissera pas indifférent.
Qu’est-ce que tu dirais à un patron qui se demande si ça vaut la peine de payer la participation de son employé?
Il est plus que probable qu’à la suite de ces ateliers, votre employé en ressorte dynamisé, prêt à mener à bien le projet sur lequel il travaille. Ces soirées sont le lieu tout indiqué pour voir les choses autrement et ainsi, mieux se concentrer sur son travail. Ce sera le théâtre d’une mise en pratique d’outils de réflexion qui permettront à votre employé de les réinvestir au quotidien. La philo pour elle-même est inutile, mais sa méthodologie (analyse, synthèse, rigueur intellectuelle, argumentation) est omniprésente dans notre monde organisationnel. Apprendre à bien les utiliser est l’un des buts de ces ateliers.

Que répondrais-tu à quelqu’un qui se dit : « Je n’ai pas assez de connaissances pour participer »?
Il n’y a pas de niveau intellectuel de base à avoir pour suivre un atelier de philo. Il suffit d’avoir la curiosité et le désir d’apprendre ou de comprendre un peu mieux le sujet abordé. Il est impossible de connaître complètement un sujet. La connaissance est toujours en perfectionnement. Ce n’est donc pas une question de maîtriser un sujet, mais plutôt d’avoir le désir de se poser quelques questions à ce sujet.
En extra, je termine avec une question qu’on m’a posée et que d’autres n’oseront probablement pas poser : « c’est pas un peu cher, 60 $, pour un atelier de philosophie? ». Il y a peu de comparables sur le marché, ce qui rend difficile de juger objectivement de la valeur (un concept bien relatif, d’ailleurs) de l’événement. Il existe des événements subventionnés, des conférences qui présentent plusieurs invités ou des formations sur la réalisation de tâches très précises auxquels on ne peut se comparer, selon moi. Il est même rare de voir des organisations proposer ce genre d’offre à Québec.
Dans notre cas, le contenu est développé sur mesure pour l’occasion, en fonction de la réalité des participants et nécessite donc du temps de préparation. Aussi, durant trois heures, nous visons à aller en profondeur et à développer la capacité d’analyse, de synthèse et d’argumentation des participants, en plus de provoquer la naissance de nouvelles idées et de solutions qui pourront être appliquées au quotidien. Il va sans dire que les thématiques sont pertinentes, d’actualité et qu’elles accompagneront les participants dans leurs choix futurs.
En guise de référence, à mon oeil, on est à mi-chemin entre la séance de psychologie, qui coûte en moyenne 110 $ pour 1 heure, et la formation Infopresse, à 400 $ pour une demie-journée. Et parce que j’ai envie de m’amuser : il en coûte souvent plus cher pour un excellent repas au resto avec du vin (sans garantie d'avoir une conversation de fond!), une coloration capillaire, ou une nouvelle tenue pour la rentrée. Je retourne donc la question : 60 $ pour 3 heures de formation remboursable par votre employeur ou déductible d’impôt, est-ce que c’est vraiment cher? Comme Joëlle m’a dit : « ce qui a de la valeur, ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est ce qui fait sens ». Bref, tout est toujours une question de choix... et je suis certaine que nous aurons l’occasion d’en discuter lors des ateliers!
Les ateliers s’adressent à tout le monde qui s’intéresse un tant soit peu au numérique et à la culture au sens assez large du terme. Êtes-vous prêts à plonger? La deuxième soirée aura lieu le 28 novembre. Réservez vos places!
Photo en couverture : Elias Djemil